poesie
Le puits éternel
Assoiffé, il se traîne vers le donneur d'eau,
Cet homme brave près de son puits éternel.
_ "Je te donne tout", crie-t-il, riche, l'or sur son dos,
Il se faufile, freiné par la sentinelle.
_ "Arrogant ! Le champagne porte ton radeau" !
_ "Je veux l'eau, à toi les diamants éternels".
_ "J'ai les étoiles, ces joyaux sur ma tonnelle,
Ton or est mort, croque-le, il est ton fardeau".
"Vois le pauvre, l'humilité fraternelle,
Terre, bras perdus pour vos ors, gagnant une aile,
Il sait le manque charnel pour un verre d'eau,
Qu'en toi, tinte une sournoise goutte d'eau".
Hélas
Hélas, les aimés sont rentrés trop tôt,
Mais on les retrouve à chaque hiver,
On va au bois, on court, on vole vers
Eux pour l'ancien feu aux tendres coteaux.
La lune veille nos rires tantôt
Doux, tantôt fiers. Mais le chemin au vert
S'est terni. Les os au chaud, la torpeur s'avèrent
Rêve. On part les morts dans son manteau.
Le goulot bien étroit
La fiole d'alcool venue l'engloutir,
Le goulot bien étroit pour en sortir,
Il est Ivre d'effluves calfeutrėes,
Content, barbotant, le réel vitré.
Puis, il a fait des vagues, agité,
El la fiole tombée a projeté
Hors d'elle le nouveau né sevré. Il tire
Un vieux sur la rive. Vivant martyre.
La belle et le démon
Un démon s'est penché sur son berceau,
Pour elle, beauté, or, intelligence.
Joie, fardeau en guerre vont à l'assaut
D'enfers gracieux, les merveilles s'agencent.
L'ivresse apprend, mûrit l'exigence,
Oubliant les passions frustrées des sots.
Et elle ? Au démon son allégeance,
Il la noiera dans un tendre ruisseau.
Bain de miel
L'amie d'enfance nostalgie,
Amours d'aubes jeunes, pressées,
Chandelles, bien de miel où gît
Un démon goûteux embrassé.
Il a pris les doux empressé,
Même toi tu m'as délaissée,
Engluée, sucrée de magie,
Flambant nos fugaces bougies.
Le Héros qui pleurait
C'est une immense armoire à miroirs,
Celle de la grand-mère qui engendra l'As.
On s'y voit, on la polit, on croit qu'on la casse,
Bâtir la grande histoire, remplir les tiroirs.
Les femmes s'admirent, se pâment, frustrées jacassent,
Et les hommes observent leur petite race,
S'essayant, gesticulant pour venir s'échoir,
Le Héros n'y voit qu'une ridicule foire.
Lui ne sentait que son propre mouroir de face,
Tout en ressortant de son armoire à glace.
Il pleurait sa jeune mort plein de désespoir.
Cachée, j'ai vu sa larme fêler cette armoire.
Au creux du jour
Ma Mie, fais attention au creux du jour,
A t'encombrer de ces fleurs de toujours,
Ce dôme intérieur fait seul écho
Au pharaon doré en son tombeau.
Elle est douce la pensée de velours,
Elle amortit les chocs sourds, les plus lourds,
Mais elle entend en bas le chant d'un beau,
Un présage la veut, vilain corbeau.
Princesse s'admirant dans son château,
Belle d'intérieur, pour elle seule ses atours,
Dormant pour presque toujours dans sa tour.
Sans se pencher. Elle tomberait de haut.
Cœur poussière
Il monte l'escalier, laborieux, fier.
N'observe pas l'arrière, tiens un pilier.
Vertige. Oublie les sombres pierres,
Tiens le lierre, le vivant est l'allié.
Les pierres disparues de ce collier,
Qu'on admire, qu'on tire par derrière,
Sont reflets où luisent les bras déliés,
Avenants des Chimères. Coeur poussière.
Qui de nous deux perdra l'âme ?
Ton sang me brûle, toi guerre vorace,
On dit que tu crames même les flammes,
Poète sans peur, ma torche est vivace
Quand j'écris : qui de nous deux perdra l'âme ?
Mon combat est en dedans, je me blâme
Quand tu aboies, la voix épaisse, basse,
Qui purulle de l'Autre qu'on fracasse.
Ma lettre meurt sur mon vélin. Noble l'âme.
Toi l'enfant, leur caprice
Toi l'enfant moitié des modernes sociétés,
On te dira que tu es né de la Liberté,
Cette dame farouche va, rien ne l'arrête,
La belle aérienne n'en fait qu'à sa tête.
La flamme hautaine fait peur, on l'a domptée,
On l'a même enfermée dans une éprouvette,
A l'Egoïste, l'injection d'humanité.
C'est bien morne la norme. Ne soyons pas bêtes.
D'où tu viens ? J'aurais tant aimé te le conter,
D'elle ou lui, lui sans elle, ta lignée qu'on jette.
Car il n'y a rien. C'est vide la Liberté.
Tu dors sans savoir que ton devenir m'inquiète.