poesie
L'océan ivre
La bouteille rougie d'alcool au chaud,
Le fait rêver hors de son dur cachot,
Verre qu'il traîne aux pieds, le soumet,
Qui finalement ne casse jamais.
L'homme s'évade la larme au goulot,
L'océan ivre remplit l'assommé,
L'esprit tangue, s'imbibe lourd, fend l'eau.
Le phare est démoniaque, déformé.
Les cieux bavent, les contours, flous halos.
Il s'écrase de plaisir consumé
Pour l'instant exagéré, sublimé.
Son rêve se noie. Son cachot prend l'eau.
Les lasses parallèles
Ses pas allaient en lasses parallèles,
C'était la vie qui lui courait derrière :
"Viens vivre ma belle la vie réelle,
Je t'inventerai les mots sans poussière".
L'âme perdant ses ailes, cherche-t-elle ?
Elle ne le savait pas, la prisonnière.
Elle se cachait le ciel de l'ombrelle,
Peureuse sous un porche, en arrière.
Les normales pensées
Le Sage cueille sa fraîche pensée
Et lui dit : « Tu es en vie ce matin,
Tu es parée de merveilles, d'excès,
Pour fuir l'impasse, l'ultime chemin.
L'abîme te fera grimper. Tu sais
Qu'on fait reculer le cercueil certain,
Qu'on fait fleurir les normales pensées,
Pour taire l'impénétrable destin ».
Une flèche d'excès
Elle a tant de souvenirs empressés
De sortir que sa tête s'est penchée.
Voici venir le combat de l'archer,
Il lui tire les flèches du passé.
Elles ont le lent poison. Le mal coincé
Transpire, sort de l'âme ébréchée.
Elles ont le miel. Le parfum relâché
Tue l'archer d'une flèche d'excès.
Il y a un souffle
Il y a un un souffle dans ta tristesse tant
Sentie. Tu expires, décoiffes la douleur,
Tu inspires l'élan qui rhabille latent.
Les guerres se dénouent, sont bercées par les pleurs.
La brise insuffle ton réveil apportant
Le renouveau aux grandes façons, il t'attend,
Il dialogue même avec sanglots, crève-cœur.
Tu t'attristes, il pleure encore ton cœur.
Les vestiges de la folie
Il a fendu les vestiges de la folie.
Son armure se tord, fatiguée de haïr.
Bavard dessous, il adore, enseveli
De senteurs. La joie l'étouffe, vient l'envahir.
Vif, il se repose paresseux dans le lit
De ses chimères inassouvies, son désir
En apesanteur sur les fleurs. Il court saisir
Cette effusion naïve. Suave délit.
La vie, cette inconnue
Le feu apeure ta conscience, te soumet,
Tu fuis vers l'air, l'idéal flottant, sublimé.
Ta terre est un coin de hasard sec, démuni,
L'eau est marée débordant ta peine frémie.
Chaque bateau tousse, t'annonce l'ennemi,
Il coule tes rêves écourtés, arrimés.
Tu vois ta mort dans ton sourd reflet enfermé,
Tu as peur de la vie, cette inconnue, l'ami.
La muraille des regrets
Au pied de la muraille des regrets, l'orée
Nouvelle était masquée par le marbre immense.
L'erreur sans pleurs gisait dans ce dur couperet,
Il sciait mes pas torturés par la sentence.
J'ai parlé aux pierres, au cocasse silence,
De mon cœur simple qui fonce, meurt, recommence.
Le mur s'est fissuré d'un rire. Libéré,
Mon propre pardon s'est rué sur moi guilleret.
L'écho cognant
Si belle, elle s'est assise face à moi
Et m'a dit : "Je tiens la main du mourant sans voix,
Je console infinie l'amoureux laissé,
Je réponds à l'écho cognant de l'angoissé.
Je berce, tu peux me dire tous tes effrois
Je saurai les garder pour la prochaine fois".
Je lui dis : "Mais qui es-tu" ?, charmée, empressée.
"Je suis la solitude qui vient t'enlacer".
Pupille au printemps
Je cherche l'arbre lointain, pupille au printemps,
Sa force sans fièvre apaisée par le Temps.
Tronc, écorce, s'auréolent toujours agiles
De feuilles en souplesse, prometteuses, fragiles.
L'indifférence pour la hache s'excitant,
Ce Sage a tout vu, il recommence habile.
Perturbée sans raison, me voyant palpitant,
La feuille choit, me caresse indélébile.