poesie
Le roi se tasse
Sur son trône clouté, le roi se tasse.
A droite, la reine discrète casse
La tête, l'or, l'assiette. Tintamarre.
A gauche, c'est le bouffon qui se marre.
Fond de règne, on maquille sa face,
Graisse épaisse perçant le buvard,
Et la peur de mourir troue la race
Des despotes, empoisonnés, blafards.
Il veut mourir sur une grande place,
Mais l'humble chemin jamais ne s'efface,
Devant allées, grands palais goguenards.
Comme tous, mort par un petit placard.
Elle a ce regard
Haute femme, elle a ce regard,
Noir de soie comme le corbeau vantard,
Pelage lisse de proie difficile,
Chat vous jetant d'une patte, d'un cil.
Elle met talons hauts, rouge criard,
Dans l'œil, main, vieux membre viril, fossile,
Barbare. Cils coulant sans noir hagard,
Libre, guidant sur le radeau, indocile.
Amants idiots
Petit, le rire m'a sauvée,
D'autres, moi, chue sur le pavé,
Noir qu'aucun matin ne gracie,
Devant, le mal s'est assis.
Le démon rit, il éclaircit
Le trou, bras me levant aussi.
Sans se pousser de ponts, travées,
Amants idiots, on s'est gavé.
Mourir de rire, abreuvés,
Moins sots, la peine adoucie,
Belle, tribale idiotie.
Pas la mort. Le rire gravé.
Comme un tic généalogique
Implacable tic généalogique,
Placard, esprit cognant, vieilles mimiques,
Poussent l'un dans le trou à étagères,
Bas, haut, à l'air libre ça dégénère.
Il m'amène ça, dit la belle mère,
La poignée raide, vieux gestes primaires.
L'ange mort né se perche hypnotique
Et un diable mendie sous le portique.
Dans la vieille tombe en bois rustique,
Les cris mettent le feu délétères,
Ça ne met pas la famille à terre.
Oui, les os nouveaux tiendront la boutique.
N'écoute plus le requiem
L'amie, n'écoute plus le requiem qui raye,
C'est la pleine lune qui te veille sous elle,
Elle a l'âge de chaque nuit, renaît surréelle,
Belle, seule, coquillage dans les oreilles.
Dans ses pleurs, deuil ailleurs, elle flotte, sommeille.
Tendre une perche de fleurs à la belle,
Les tendres rêves, d'autres possibles merveilles.
Elle vernit son rire. Mal cruel en elle.
Les déraillés du chemin de la vie
A tous les dėraillės du chemin de la vie,,
Pour vous, j'arrête mon train sur les sombres quais.
Montez ! Tous les vivants morbides disloqués,
Je roule droit, en boucle, mais jamais ne dėvie.
Oú va ton train hagard, calfeutrė ? Il me dit.
Je vais où nous irons, fous, traqués, détraqués.
Lanterne, neon, lampadaire irradient
Celui qui s'en va,, applaudi, fier débarqué.
Les arrêts incongrus où l'on n'est pas moqué,
Un œil noir attend, sans temps son double prédit,
Ils ne jaugent pas, moitié paumés mais hardis.
Ils repartent l'espoir croisé, les bras arqués.
Une lettre à l'ancienne
Écrivez-moi une lettre à l'ancienne,
Avec l'adresse terrienne de ma maison,
Vous seul l'avez, vous faîtes toutes mes saisons,
Les mers de carte postale au bleu de sienne.
Art muet pour les autres criards sans raison,
Et moi, ai-je jamais fait œuvre de raison ?
Je ris, bête, la vie se touche, est doux mécène,
Le soleil aussi, tout rond il chauffe la scène.
Une fleur séchée dans le gros livre assène
Les vérités fragiles, les sens à foison.
Protégez-moi des modernes, des obscènes.
Vous lire trouble. Quelle douce pâmoison.
Le deuil exalté
_ "Je ne peux voir l'impudeur de tes pleurs,
Ravale ton dégoulinant malheur,
Ce deuil exalté des morts m'indispose,
Ils sont partis, c'est propre,, ils reposent.
Ton rite est baroque, il apause,
Les cris affolés, les riches couleurs
À l'encens. Les lourdes senteurs supposent
La mort jamais finie, là, créant l'heure".
_ "Ta marmite sans goût clot la chaleur,
Couvercle tremblant, suantes paleurs.
Mon charbon brûle, saigne et s'expose,
Ça tord les boyaux puis enfin repose".
La voix de secret
La voilà tombée dans la grotte, lasse,
Sa voix née des secrets se faisait basse,
Le silence s'ennuyait, approuvait,
Loin des bruits grossiers, ils se sont trouvés.
Amochės, bruts, mais leur mal a la grâce,
Ce chagrin cousu en cave ressasse
Sans mots la grosse chose éprouvée,
Celle immense de l'âme crevée.
L'obscur ne voit pas, ressent, cadenasse
Cette lumière trop vraie, trop vorace.
Un voile couve le broc. On avait
Rempli de vieux pleurs les bocaux sauvés.
Brave cruche
À la femme, ils boivent la pensée,
Les grandes cravates aux bouts rapiécés,
Laissons-lui les pots, les fleurs hardies,
Le tendre jardin épanouit, on dit.
On la vidait, elle se remplissait,
Brave cruche aux formes arrondies,
Un goût d'enfer, souffre et paradis,
Rangeons-la, elle pourrait offenser.
Les femmes savent-elles bien penser ?
Je ne pense pas, dit un érudit,
Cris et pleurs, j'ai peur, croit le rabaissé.
Puis dit tout bas, c'est quand même maudit.