Comme un tic généalogique
Implacable tic généalogique,
Placard, esprit cognant, vieilles mimiques,
Poussent l'un dans le trou à étagères,
Bas, haut, à l'air libre ça dégénère.
Il m'amène ça, dit la belle mère,
La poignée raide, vieux gestes primaires.
L'ange mort né se perche hypnotique
Et un diable mendie sous le portique.
Dans la vieille tombe en bois rustique,
Les cris mettent le feu délétères,
Ça ne met pas la famille à terre.
Oui, les os nouveaux tiendront la boutique.
N'écoute plus le requiem
L'amie, n'écoute plus le requiem qui raye,
C'est la pleine lune qui te veille sous elle,
Elle a l'âge de chaque nuit, renaît surréelle,
Belle, seule, coquillage dans les oreilles.
Dans ses pleurs, deuil ailleurs, elle flotte, sommeille.
Tendre une perche de fleurs à la belle,
Les tendres rêves, d'autres possibles merveilles.
Elle vernit son rire. Mal cruel en elle.
Les déraillés du chemin de la vie
A tous les dėraillės du chemin de la vie,,
Pour vous, j'arrête mon train sur les sombres quais.
Montez ! Tous les vivants morbides disloqués,
Je roule droit, en boucle, mais jamais ne dėvie.
Oú va ton train hagard, calfeutrė ? Il me dit.
Je vais où nous irons, fous, traqués, détraqués.
Lanterne, neon, lampadaire irradient
Celui qui s'en va,, applaudi, fier débarqué.
Les arrêts incongrus où l'on n'est pas moqué,
Un œil noir attend, sans temps son double prédit,
Ils ne jaugent pas, moitié paumés mais hardis.
Ils repartent l'espoir croisé, les bras arqués.
Une lettre à l'ancienne
Écrivez-moi une lettre à l'ancienne,
Avec l'adresse terrienne de ma maison,
Vous seul l'avez, vous faîtes toutes mes saisons,
Les mers de carte postale au bleu de sienne.
Art muet pour les autres criards sans raison,
Et moi, ai-je jamais fait œuvre de raison ?
Je ris, bête, la vie se touche, est doux mécène,
Le soleil aussi, tout rond il chauffe la scène.
Une fleur séchée dans le gros livre assène
Les vérités fragiles, les sens à foison.
Protégez-moi des modernes, des obscènes.
Vous lire trouble. Quelle douce pâmoison.
Le deuil exalté
_ "Je ne peux voir l'impudeur de tes pleurs,
Ravale ton dégoulinant malheur,
Ce deuil exalté des morts m'indispose,
Ils sont partis, c'est propre,, ils reposent.
Ton rite est baroque, il apause,
Les cris affolés, les riches couleurs
À l'encens. Les lourdes senteurs supposent
La mort jamais finie, là, créant l'heure".
_ "Ta marmite sans goût clot la chaleur,
Couvercle tremblant, suantes paleurs.
Mon charbon brûle, saigne et s'expose,
Ça tord les boyaux puis enfin repose".
La voix de secret
La voilà tombée dans la grotte, lasse,
Sa voix née des secrets se faisait basse,
Le silence s'ennuyait, approuvait,
Loin des bruits grossiers, ils se sont trouvés.
Amochės, bruts, mais leur mal a la grâce,
Ce chagrin cousu en cave ressasse
Sans mots la grosse chose éprouvée,
Celle immense de l'âme crevée.
L'obscur ne voit pas, ressent, cadenasse
Cette lumière trop vraie, trop vorace.
Un voile couve le broc. On avait
Rempli de vieux pleurs les bocaux sauvés.
Brave cruche
À la femme, ils boivent la pensée,
Les grandes cravates aux bouts rapiécés,
Laissons-lui les pots, les fleurs hardies,
Le tendre jardin épanouit, on dit.
On la vidait, elle se remplissait,
Brave cruche aux formes arrondies,
Un goût d'enfer, souffre et paradis,
Rangeons-la, elle pourrait offenser.
Les femmes savent-elles bien penser ?
Je ne pense pas, dit un érudit,
Cris et pleurs, j'ai peur, croit le rabaissé.
Puis dit tout bas, c'est quand même maudit.
Le puits éternel
Assoiffé, il se traîne vers le donneur d'eau,
Cet homme brave près de son puits éternel.
_ "Je te donne tout", crie-t-il, riche, l'or sur son dos,
Il se faufile, freiné par la sentinelle.
_ "Arrogant ! Le champagne porte ton radeau" !
_ "Je veux l'eau, à toi les diamants éternels".
_ "J'ai les étoiles, ces joyaux sur ma tonnelle,
Ton or est mort, croque-le, il est ton fardeau".
"Vois le pauvre, l'humilité fraternelle,
Terre, bras perdus pour vos ors, gagnant une aile,
Il sait le manque charnel pour un verre d'eau,
Qu'en toi, tinte une sournoise goutte d'eau".
Hélas
Hélas, les aimés sont rentrés trop tôt,
Mais on les retrouve à chaque hiver,
On va au bois, on court, on vole vers
Eux pour l'ancien feu aux tendres coteaux.
La lune veille nos rires tantôt
Doux, tantôt fiers. Mais le chemin au vert
S'est terni. Les os au chaud, la torpeur s'avèrent
Rêve. On part les morts dans son manteau.
Le goulot bien étroit
La fiole d'alcool venue l'engloutir,
Le goulot bien étroit pour en sortir,
Il est Ivre d'effluves calfeutrėes,
Content, barbotant, le réel vitré.
Puis, il a fait des vagues, agité,
El la fiole tombée a projeté
Hors d'elle le nouveau né sevré. Il tire
Un vieux sur la rive. Vivant martyre.