Fleur en tête
Ainsi tu es prisonnier d'autrui, il t'arrête,

Toi pauvre poète charmeur, le mal en tête.
Tu offres tellement d'indécents dégorgements
Pour un soupir esclave, un sourire aimant.
La vie serait cimes, abysses sublimant
Le noir au reflet doré, l'étrange épithète.
Pour un bravo, tu te perds, t'enroules, rimant
Sans fin. Ta fleur en tête, bossue, les inquiète.
Je serai cet enfant
Même dans les grottes sans vent battant

Le Temps s'engouffre partout, je l'attends.
Sur mes pleurs, son éclat a tressailli,
Il scintille sur mon chagrin pétri.
Il flambe vite, j'ai saisi l'instant.
Il dit : "J'obscurcis les peines vieillies,
J'oublie, délaisse les naïfs en vie".
Moi, je serai cet enfant hors du Temps.
Les porcs sont légion
Chaque famille abrite son porc,

Penaud du pire, l'oeil voit au travers
De la robe des jeunes fleurs en vert.
Il revient, sue, le vice par les pores.
Sa main à fauché d'un sale revers.
On tait l'ordure, c'est l'enclos des torts.
Une fleur nous dit, elle s'évapore :
"Ne m'enterrez pas prés du pervers".
Péché au cou
Pour ses ennuis élevés, imaginaires

Il était piteux, misérablement
Traîné devant le sot public dément,
Celui narquois de son éclat de nerf.
Honte à lui ou à ses congénères ?
Ils le mirent sur l'âne, le tournèrent
En ville, péché au cou, sec, le blâmant,
Face aux arrogants riant sûrement.
On ne dérange pas les morts
La tombe s'est fêlée par ses secrets,

Ce mort-là a tout avalé discret,
Prenant avec lui sa pudeur ravie,
Le mot gît perdu, au plus bas, dévie.
La nervure folle, en sang, se crée,
C'est la force tue qui pousse, survit.
Face à moi le silence dense, ancré,
J'appose, crie, ma névrose de vie.
Bosses de vie
Le chameau porte ses brûlants soucis,

Bosses de toutes ses vies entassées,
Cogné par la peine aride si
Trouble qu'il boit ses larmes, insensé.
Le ciel lorgne de suaves éclaircies
Sur le mal en braise, charge pressée
Sur son dos. Au soir, le puits l'a rincé,
Repu de clarté, la bosse amincie.
Le prisonnier sauvage
L'irrationnel assourdi désarmait,

D'un soldat, mugissait une armée,
D'un mauvais fragment, des peurs enchaînées,
Le prisonnier sauvage me traînait.
Prison en soi, la porte se fermait
Pour ceux repliés en rond, cognés
Par les ombres sans versant qui trépignaient.
L'issue tremblait à vif, se consumait.
Les pierres en feu
Les pierres en feu, la cendre vivante, brûlaient

Son sentier d'épines aux troubles emmêlés.
Le poète avançait, la beauté suppliée,
Un baume enduit sur la pensée effrayée.
Les flammes grandioses, sauvages, reculaient,
Elles contournaient le troublant miraculé.
Son âme plus vive encore se frayait
L'allée sur les pierres d'enfer, émerveillée.
Ce miroir incessant
Quel est ce miroir qui l'observait incessant ?

Le poète levant la tête se brûlait
Par son reflet. Le soleil cru s'étalait
Sur la glace face à l'âme sacrifiée en sang.
Des gouttes immenses, lucides dévalaient
Des sommets en transe jusqu'aux pas emmêlés.
Le sens fut halo virginal apparaissant
Aux pleurs. Un ange l'observait évanescent.
Les lilas d'été
Le vent dévêtit les fleurs emportant

Au loin leur chair de pétales défaits.
Le papillon se frustre imparfait,
De la peine à l'élan, il attend.
Le moment l'appelle, il est partant
Vers tous les lilas d'été magnifiés.
Son vol délié se fige stupéfié,
Et d'être parfait juste un rare instant.