Péché au cou
Pour ses ennuis élevés, imaginaires
Il était piteux, misérablement
Traîné devant le sot public dément,
Celui narquois de son éclat de nerf.
Honte à lui ou à ses congénères ?
Ils le mirent sur l'âne, le tournèrent
En ville, péché au cou, sec, le blâmant,
Face aux arrogants riant sûrement.
On ne dérange pas les morts
La tombe s'est fêlée par ses secrets,
Ce mort-là a tout avalé discret,
Prenant avec lui sa pudeur ravie,
Le mot gît perdu, au plus bas, dévie.
La nervure folle, en sang, se crée,
C'est la force tue qui pousse, survit.
Face à moi le silence dense, ancré,
J'appose, crie, ma névrose de vie.
Bosses de vie
Le chameau porte ses brûlants soucis,
Bosses de toutes ses vies entassées,
Cogné par la peine aride si
Trouble qu'il boit ses larmes, insensé.
Le ciel lorgne de suaves éclaircies
Sur le mal en braise, charge pressée
Sur son dos. Au soir, le puits l'a rincé,
Repu de clarté, la bosse amincie.
Le prisonnier sauvage
L'irrationnel assourdi désarmait,
D'un soldat, mugissait une armée,
D'un mauvais fragment, des peurs enchaînées,
Le prisonnier sauvage me traînait.
Prison en soi, la porte se fermait
Pour ceux repliés en rond, cognés
Par les ombres sans versant qui trépignaient.
L'issue tremblait à vif, se consumait.
Les pierres en feu
Les pierres en feu, la cendre vivante, brûlaient
Son sentier d'épines aux troubles emmêlés.
Le poète avançait, la beauté suppliée,
Un baume enduit sur la pensée effrayée.
Les flammes grandioses, sauvages, reculaient,
Elles contournaient le troublant miraculé.
Son âme plus vive encore se frayait
L'allée sur les pierres d'enfer, émerveillée.
Ce miroir incessant
Quel est ce miroir qui l'observait incessant ?
Le poète levant la tête se brûlait
Par son reflet. Le soleil cru s'étalait
Sur la glace face à l'âme sacrifiée en sang.
Des gouttes immenses, lucides dévalaient
Des sommets en transe jusqu'aux pas emmêlés.
Le sens fut halo virginal apparaissant
Aux pleurs. Un ange l'observait évanescent.
Les lilas d'été
Le vent dévêtit les fleurs emportant
Au loin leur chair de pétales défaits.
Le papillon se frustre imparfait,
De la peine à l'élan, il attend.
Le moment l'appelle, il est partant
Vers tous les lilas d'été magnifiés.
Son vol délié se fige stupéfié,
Et d'être parfait juste un rare instant.
Accroché à une brindille
Accroché à une brindille, emporté
Par le vent frêle de l'été, il frissonnait.
Cet être sensible dansait vite agité
Par la pluie contrariée, les détails peinés.
Son cœur, tendre tambour des cieux, résonnait
Des sentiments rois nés des confins exaltés,
Morts dans la larme gracile, ressuscités
Par la fougue de sa vivace destinée
Enjambé par le Temps
Le Temps n'écoute pas, il fonce s'entêtant
Quand on lui dit lentement : « c'était mieux avant ».
Le manège sort les mal attachés, autant
D'esprits agrippés au guidon pour seul devant.
Dans la fosse, on se croit vainqueur de l'instant.
Ceux-la s'enfoncent, arrachent en vain, fervents,
Les aiguilles de l'horloge qui va s'énervant,
S'accélérant. L'un choit, enjambé par le Temps.
La lune seule
Les mots fusent bombés au creux de l'univers,
La lune seule se fait l'écho de ses vers,
Elle balance son vertige solitaire
Au-dessus du réel qui cogne, qui atterre.
A côté, le beau figé s'agite sous verre,
La clé s'ouvre aux indomptables mystères.
Ils s'échappèrent bruts, ils se précipitèrent
Vers elle, pur soliloque au seuil ouvert.