La fragile graine
La fragile graine que j'ai plantée,
Mes larmes l'ont arrosée chaque année,
Et un jour un végétal était né,
Ravie, dans son pot je l'ai emporté.
Une matinée, je l'ai abandonné
Dans la terre nourrie par la clarté,
Tu vas grandir, vivre ta destinée,
Tes feuilles chanteront les soirs d'été.
Les temps de solitude, j'ai été
Voir ma plante devenue majesté,
C'était un arbre qui me couronnait,
Il m'ouvrait les bras en fleurs, lui l’aîné.
Je suis venue à la maturité
Me coucher sous l'arbre, je fredonnais,
Je pensais aux choix de vie dessinés,
Sur l'écorce j'ai écrit «liberté».
Le lampadaire
Dans un appartement choisi comme repère,
D'un être en fuite cherchant son sens, ses repères,
Seule, je restais éblouie par le lampadaire,
Ma lune, mon soleil dans cette cité dortoir.
Oubli des pensées, affalée près du bougeoir,
Qui éclairait ma psyché bien noire ce soir.
Comme compagnie, je regardais le miroir,
Etait-ce mon corps vivant que je voulais voir ?
Je n'y vis que la lumière de mes déboires
Avec mon esprit fuyant dans l'imaginaire.
Je pensais aux amours dépassées, leurs travers,
Le conscient, l'inconscient, leurs tortueux mystères.
D'un coup ! Dans l'opaque silence, le tonnerre
Eclata le lampadaire. Cernée de verre
Et d'ombres, la panique et l'horreur arrivèrent,
Juste un halo rouge sang menant au couloir
De la mort pour les âmes perdues, délétères.
Idées et délire s’illuminaient tel l'éclair
Quand petite culotte, je valsais légère
Devant mon voyeur et obsédant partenaire.
J'étais femme dans un polar craignant le pervers,
On me trouverait poignardée dans la baignoire,
Ou étranglée, gisant, sur le lit en peignoir,
Découvrir mon cadavre dans le frigidaire,
Visage blanc, de glace, parti dans l’éther.
Avec un lourd poids je me noyais sans nageoires,
Ma raison figée, j'étouffais, pas un brin d'air
Pour balayer la pire peur des solitaires,
Sensibles au temps qui galope, à la vie passagère,
Sans foi, se rêvant rois, voguant la mort dans l'air.
Mon placard déborde
Mon placard, craquant de trésors,
Il déborde, oui je l'adore !
Ces tissus vifs, noirs, blancs, pastels,
Presque cousus par l'hirondelle.
Mes robes me parlent, m'appellent,
Toutes petites elles me harcèlent,
Que je rentre dedans, encore,
Et sois assortie au décor.
Un rendez-vous curieux, je sors !
Vite ! Je défais tout pèle-mêle
Pour trouver le floral accord,
Robe où je serai la plus belle.
Sourire demandait l'effort,
Ma robe a été réconfort,
Elle m'a même posé des ailes,
Star, je faisais des étincelles !
Ce gracieux haut fait en dentelle,
Laissant entrevoir la bretelle,
De la soie noire sur mon corps
Telle une fine amphore.
Le petit dos nu aux abords
De ces palmiers faisant ombrelle,
La blanche robe pour l'aurore
D'un amour défiant l'éternel.
Mes regrets français
Les morts de mon sang français hantent ma pensée,
Des vieux et de celui qui partit sans bonheur,
Ma tête est prise dans le lourd étau du passé,
Je ressasse les définitives erreurs.
Ma grand-mère, sa douce et poudreuse senteur,
Mon grand-père, qui pendant la guerre passée,
Fait prisonnier, il devint mon Héros fugueur,
Il gagna aussi une sacrée somme au tiercé.
Souvenirs de bonbons, chocolat et chaleur,
Givre, neige, qu'on m'a contée dans leur froideur,
Le cabanon dégageant ces parfums français,
Les provisions en cas d'autre guerre, entassées.
Il faudrait accorder mes années et vos heures,
Le temps a brûlé, tout seul il m'a dépassée,
Ce qui fût ne peut hélas être remplacé,
Votre mort est un dur couperet dans mon coeur.
Avec mes regrets entravant mon avancée,
Sur votre tombe, je viens, je pose les fleurs,
Je vois les noël, la table, ses bougies dressées,
Un ciel larmoyant. Mes yeux, humide douleur.
L'ennui
Je te maudis à coups de pieds en création,
Toi l'ennui, néant, trou noir d'imagination,
Tu n'es que solitude et morne lenteur,
L'esprit sans geste, fantôme dans sa pâleur.
Rien à faire. Tu entrouvres mes pires peurs,
Le ciel coulant sur ma porte, mon triste cœur,
Derrière, le décor aride désertion,
De ceux agités ayant trouvé l'occupation.
Valises trop pleines traînées avec labeur,
Elles s'ouvrent, les bouchons claquent de passion,
Un livre sort, c'est l'heure des fées, des conteurs,
Avec les tapis volant par l'inspiration.
Mais tu es là l'ennui, lové tel le veilleur,
Tu vides ma tête, c'est l'abomination,
Que tu passes ton chemin de négation,
Infernal, tu rodes, hasard de mon malheur.
A ces rencontres
Mi-anges mi-démons ont approché ma vie,
Amis épisodiques d'un peu d'eau de vie,
Notre vie s'est racontée, vitesse d'un instant,
Dans les limbes d"un grave vécu s'oubliant.
L'épris des drogues tel un sceau défigurant
Le plus laid des visages brûlé, asservi,
A ce compagnon qui partit voir à l'envie,
Mentit l'histoire sans fourberie des amants.
A ces êtres perdus du soleil se couchant,
A ce malade voyageant juste en survie,
Cherchant la beauté de ce soleil s'en allant,
Dure est la vie quand le pire ouragan se vit.
Ame sans fard dans mes entrailles martelant,
Devant le marteau qui dans ma tête sévit,
Votre chaleur, votre humanité m'ont ravie,
Vous avez la générosité du néant.
Celui dans sa peur de l'offrande s'est servi,
Saltimbanque et équilibriste pour longtemps,
Vos sombres et fumeuses discussions m'ont ravie,
Et ceux que je ne reverrai plus pour le temps.
Les lumineuses remarques d'un bon moment
Vont-elles guider mes pas si un jour je dévie ?
Ceux qui ont eu mon couvert, couverts de l'avis
Malgré la chute, l'espoir est un survivant.
La récré
Cool ! Me voilà pleinement propulsée
Dans le monde des marmots enchanté,
Dring ! Dring ! C'est l'heure de la récréation !
Ils courent en bouillonnante condition.
Tornades, toupies, en ébullition,
Le ballon vole d'une tête à un pied,
L'un tombe, repart vite dans l'action,
Ces années où se penche la destinée.
Aïe ! Voilà un autre qui est tombé,
Du sang ! Opération désinfection,
Déja dehors comme si de rien n'était,
Sans bleus à l'âme, rouge d'émotion.
Fillettes jouant à l'élastique à sauter,
Plus haut encore, volant vers les fées,
Coquettes, barrettes en décoration,
Colorées comme leur vie en éclosion.
Suis dans un problème de robinet,
Replongée dans les multiplications,
Sales mômes, gentils, disciplinés,
Anges ou démons, tous ont eu l'attention.
Ballon sur ma tête sans gravité,
Suis-je en train de faire une projection ?
De mon enfance à jamais terminée ?
C'est sûr, j'ai pris une récréation.
Hémoglobine
Rouge, déambulant gaiement dans l'artère,
Réponse à l'acidulée romantique,
Blanc, déployé, se mouvant, atypique,
Bien fragile dans son aura de verre.
"Docteur, je palpite, je m'accélère,
Vais-je mourir sans la fin de ces vers" ?
"Eh non ! C’est complètement somatique,
Allez plutôt vers le corps psychiatrique".
Un microbe fou sévit en plein air,
Des trop informés du pathologique,
Chronos fait tinter le temps de concert
Avec l'hypocondrie. Suis-je sans logique ?
En cette journée, je suis bien nostalgique,
Ce soir, j’attends mon ami va-t-en guerre,
Il est poli, déontologique,
"Je t’ai toujours attendu, cher cancer".
La mariée
C’est à l'Ego qu’elle parle, clarté est sise,
Ce beau jour, elle convole, lui et elle se brisent,
Sous le poids des mois, des ans, chancelants
Des têtes à têtes avec soi même si lassants.
C’était son dernier jour sous le toit maternant,
La chance joyeuse esquissait ses pas dansants
Susurrant à la demoiselle qu’elle était éprise,
Légère, elle riait d’erreurs d’antan si exquises.
Émue par le souvenir de la douce brise
De ses vingt ans butinant ici, à sa guise,
"Sois sereine, tu es reine ma belle enfant,
Tu seras gaiement à l’abri des chats errants".
L‘homme sous le balcon de roses la courtise,
Nymphe qui par ces suaves offrandes se grise,
Parée des dentelles opalines, s’admirant
Devant sa psyché, soies d’un ailleurs s’envolant.
Troublée, de quelle force était-elle sous l’emprise ?
La lune noire guidait ses pas vers l'auvent,
D‘un coup, frappée par l’horreur, elle s’immobilise.
C’était seule qu’elle allait convoler pour le temps.
"A l'enfer d'Orphée, déja mort, tu m’as promise" ?
Furieuse, de vifs soubresauts elle était prise,
Elle hurlait : "Non ! Pas la femme d’un seul printemps" !
Ongles dans la terre, la blanche robe en fragments.
Sur la dalle glaciale, elle était prostrée, assise
Laissant sa place à la diabolique analyse,
Et que cesse l’écho de l'Ego incessant,
L’image se pressa en elle en un instant.
"Toi l'Ego, je te crèverai pour cette méprise,
J'ai creusé ta tombe ouverte pour le temps,
Y jeter la robe rouge de sang que gise
L’épitaphe où je graverai le mot néant".
La contrée du silence
"Voyageur du désert, tu sembles en errance,
Quelle est cette contrée qui te pousse au silence ?
Ta voix est muselée de points de sutures,
Raconte-moi, ta frustration me paraît si dure".
"Des pas me suivent, je ressens leur ombre obscure,
L’écho peut réveiller leur vile surveillance".
"Ici, les mots s'échappent sur le vent en mouvance,
Seul le soleil pourra attiser tes brûlures".
"Pacha et vizirs se gavant sous les dorures,
Plaçant pions, espions, sans cesse, en toute arrogance,
Chiens sans laisse faisant promesse d’obédience,
La liberté n’étant qu’une lointaine cassure.
La cour des faux rois pourris dans leur indécence,
Les pas mitraillant de leur perfide censure,
Les pages fausses des lettrés sans écriture,
Qui n’ont que la loi pour farce de sentence.
La main bien articulée saignant de sa lance,
Les insoumis désarticulés sous torture,
Les loyaux vite écartés dans leur impuissance,
Le peuple droit étouffant pour un meilleur futur".
"Mais quel est ce pays qui te met en souffrance" ?
"Vois son nom, le sable effacera sa présence".
"Compagnon, ton histoire est une triste aventure,
Les révolutions font trembler les dictatures".