Tunisie
Fiere mémoire à la gloire de Carthage,
La croix côtoie l'étoile et le croissant
De lune qui a vu le métissage,
De ces êtres qui ont mêlé leur sang.
La Goulette, ses passants dansant
Près des rondeurs des fruits de l'étalage,
L'air est gai, joyeux, la main est partage,
Le soleil monte haut, puis redescend.
Le feu est rougeoyant, incandescent,
De ce peuple luttant, hurlant sa rage,
Plein de fierté, il a crié Dégage !
A cet acharné, longtemps oppressant.
Bourguiba est le précieux héritage,
Nous aimons les femmes sans nul outrage,
Ce vieux père est notre Héros brandissant
La torche sur le voile noir naissant.
Triste devant celles se reniant en cage,
De ceux qui ont pris la foi en otage,
La liberté qu'on tue, avilissant
Mon pays par histoire grandissant.
Africains
Ils parlent, le verbe résonne, fort, 
A l'écho du passé ils font honneur,
Au vieux mourant, au sage, au guérisseur,
Aux femmes portant leur vie sous l'effort.
L'été se fait, se défait en couleurs,
Sur la terre ocre, leur abri est au bord
Du fleuve roi qui devient ravageur,
Fiers, ils défient l'impérial décor.
Le feu crépite, l'air fausse torpeur,
La savane fauve lance les sorts,
Qu'ils récoltent dans la jarre en or,
Démons pendus à l'arc, ils sont seigneurs.
La beauté des années est sur leur corps,
La mémoire est leur précieux trésor,
Ils trouvent dieu posé sur une fleur,
Ils ne meurent pas, ils dorment rêveurs.
Tu es le temps qui passe
Tu es l'enfer des mortels, des damnés,
Ils se cognent ces pauvres condamnés,
Aux parois affûtées de leur sagesse,
Implorant, impuissants, tenus en laisse.
Tu es le vieux roi qui n'a de cesse,
De rappeler aux maudits forcenés,
Qu'ils sont perdus, que tu broies les années,
Toi qui dépasse toutes les tristesses.
Tu es le masque rieur, tu caresses
Les amoureux de la belle journée,
Naïfs sur la barque de leurs promesses,
Voyage que tu as déraciné.
Tu es le fard rouge cri dessiné,
Sur la peau pâle des femmes fanées,
Un alto frustré à l'écho de maîtresse,
Et l'oeil du miroir ultime vieillesse.
Tu es la mort, à l'heure, qui sonnait,
Aux rêves désirés de la jeunesse,
Souvenirs gracieux qui l'ont façonnée,
Brûlés et aspirés, ils disparaissent.
Toi l'aveugle, je vais te raconter
Toi l'aveugle, je vais te raconter,
La trace de ma plume pour passion,
Mots que la poétesse a tricotés,
L'ombrelle des lettres pour partition.
Les fous, leur étrange imagination,
La vie, sa curieuse simplicité,
Dieu, vaincu par ma rationalité,
Et le miroir sans cesse tentation.
Impudique dans ma désolation,
Si maudite dans mes lamentations,
Mes mots m'ont portée, en bleu j'ai conté
La grâce d'une étoile qui chantait.
La magie des phrases m'a transportée,
Sur ma sphère j'étais exaltation,
Libre, j'approchais le ciel argenté,
Toi qui ne peut voir les constellations.
L'aveugle me dit pour seule conclusion,
"Moi le sans yeux, je t'ai bien écoutée,
J'ai senti une belle éclosion,
Oui, le regard de l'Autre t'a quittée".
La fragile graine
La fragile graine que j'ai plantée, 
Mes larmes l'ont arrosée chaque année,
Et un jour un végétal était né,
Ravie, dans son pot je l'ai emporté.
Une matinée, je l'ai abandonné
Dans la terre nourrie par la clarté,
Tu vas grandir, vivre ta destinée,
Tes feuilles chanteront les soirs d'été.
Les temps de solitude, j'ai été
Voir ma plante devenue majesté,
C'était un arbre qui me couronnait,
Il m'ouvrait les bras en fleurs, lui l’aîné.
Je suis venue à la maturité
Me coucher sous l'arbre, je fredonnais,
Je pensais aux choix de vie dessinés,
Sur l'écorce j'ai écrit «liberté».
Le lampadaire
Dans un appartement choisi comme repère,
D'un être en fuite cherchant son sens, ses repères,
Seule, je restais éblouie par le lampadaire,
Ma lune, mon soleil dans cette cité dortoir.
Oubli des pensées, affalée près du bougeoir,
Qui éclairait ma psyché bien noire ce soir.
Comme compagnie, je regardais le miroir,
Etait-ce mon corps vivant que je voulais voir ?
Je n'y vis que la lumière de mes déboires
Avec mon esprit fuyant dans l'imaginaire.
Je pensais aux amours dépassées, leurs travers,
Le conscient, l'inconscient, leurs tortueux mystères.
D'un coup ! Dans l'opaque silence, le tonnerre
Eclata le lampadaire. Cernée de verre
Et d'ombres, la panique et l'horreur arrivèrent,
Juste un halo rouge sang menant au couloir
De la mort pour les âmes perdues, délétères.
Idées et délire s’illuminaient tel l'éclair
Quand petite culotte, je valsais légère
Devant mon voyeur et obsédant partenaire.
J'étais femme dans un polar craignant le pervers,
On me trouverait poignardée dans la baignoire,
Ou étranglée, gisant, sur le lit en peignoir,
Découvrir mon cadavre dans le frigidaire,
Visage blanc, de glace, parti dans l’éther.
Avec un lourd poids je me noyais sans nageoires,
Ma raison figée, j'étouffais, pas un brin d'air
Pour balayer la pire peur des solitaires,
Sensibles au temps qui galope, à la vie passagère,
Sans foi, se rêvant rois, voguant la mort dans l'air.
Mon placard déborde
Mon placard, craquant de trésors, 
Il déborde, oui je l'adore !
Ces tissus vifs, noirs, blancs, pastels,
Presque cousus par l'hirondelle.
Mes robes me parlent, m'appellent,
Toutes petites elles me harcèlent,
Que je rentre dedans, encore,
Et sois assortie au décor.
Un rendez-vous curieux, je sors !
Vite ! Je défais tout pèle-mêle
Pour trouver le floral accord,
Robe où je serai la plus belle.
Sourire demandait l'effort,
Ma robe a été réconfort,
Elle m'a même posé des ailes,
Star, je faisais des étincelles !
Ce gracieux haut fait en dentelle,
Laissant entrevoir la bretelle,
De la soie noire sur mon corps
Telle une fine amphore.
Le petit dos nu aux abords
De ces palmiers faisant ombrelle,
La blanche robe pour l'aurore
D'un amour défiant l'éternel.
Mes regrets français
Les morts de mon sang français hantent ma pensée,
Des vieux et de celui qui partit sans bonheur,
Ma tête est prise dans le lourd étau du passé,
Je ressasse les définitives erreurs.
Ma grand-mère, sa douce et poudreuse senteur,
Mon grand-père, qui pendant la guerre passée,
Fait prisonnier, il devint mon Héros fugueur,
Il gagna aussi une sacrée somme au tiercé.
Souvenirs de bonbons, chocolat et chaleur,
Givre, neige, qu'on m'a contée dans leur froideur,
Le cabanon dégageant ces parfums français,
Les provisions en cas d'autre guerre, entassées.
Il faudrait accorder mes années et vos heures,
Le temps a brûlé, tout seul il m'a dépassée,
Ce qui fût ne peut hélas être remplacé,
Votre mort est un dur couperet dans mon coeur.
Avec mes regrets entravant mon avancée,
Sur votre tombe, je viens, je pose les fleurs,
Je vois les noël, la table, ses bougies dressées,
Un ciel larmoyant. Mes yeux, humide douleur.
L'ennui
Je te maudis à coups de pieds en création, 
Toi l'ennui, néant, trou noir d'imagination,
Tu n'es que solitude et morne lenteur,
L'esprit sans geste, fantôme dans sa pâleur.
Rien à faire. Tu entrouvres mes pires peurs,
Le ciel coulant sur ma porte, mon triste cœur,
Derrière, le décor aride désertion,
De ceux agités ayant trouvé l'occupation.
Valises trop pleines traînées avec labeur,
Elles s'ouvrent, les bouchons claquent de passion,
Un livre sort, c'est l'heure des fées, des conteurs,
Avec les tapis volant par l'inspiration.
Mais tu es là l'ennui, lové tel le veilleur,
Tu vides ma tête, c'est l'abomination,
Que tu passes ton chemin de négation,
Infernal, tu rodes, hasard de mon malheur.
A ces rencontres
Mi-anges mi-démons ont approché ma vie, 
Amis épisodiques d'un peu d'eau de vie,
Notre vie s'est racontée, vitesse d'un instant,
Dans les limbes d"un grave vécu s'oubliant.
L'épris des drogues tel un sceau défigurant
Le plus laid des visages brûlé, asservi,
A ce compagnon qui partit voir à l'envie,
Mentit l'histoire sans fourberie des amants.
A ces êtres perdus du soleil se couchant,
A ce malade voyageant juste en survie,
Cherchant la beauté de ce soleil s'en allant,
Dure est la vie quand le pire ouragan se vit.
Ame sans fard dans mes entrailles martelant,
Devant le marteau qui dans ma tête sévit,
Votre chaleur, votre humanité m'ont ravie,
Vous avez la générosité du néant.
Celui dans sa peur de l'offrande s'est servi,
Saltimbanque et équilibriste pour longtemps,
Vos sombres et fumeuses discussions m'ont ravie,
Et ceux que je ne reverrai plus pour le temps.
Les lumineuses remarques d'un bon moment
Vont-elles guider mes pas si un jour je dévie ?
Ceux qui ont eu mon couvert, couverts de l'avis
Malgré la chute, l'espoir est un survivant.
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