La vie, cette inconnue
Le feu apeure ta conscience, te soumet,

Tu fuis vers l'air, l'idéal flottant, sublimé.
Ta terre est un coin de hasard sec, démuni,
L'eau est marée débordant ta peine frémie.
Chaque bateau tousse, t'annonce l'ennemi,
Il coule tes rêves écourtés, arrimés.
Tu vois ta mort dans ton sourd reflet enfermé,
Tu as peur de la vie, cette inconnue, l'ami.
La muraille des regrets
Au pied de la muraille des regrets, l'orée

Nouvelle était masquée par le marbre immense.
L'erreur sans pleurs gisait dans ce dur couperet,
Il sciait mes pas torturés par la sentence.
J'ai parlé aux pierres, au cocasse silence,
De mon cœur simple qui fonce, meurt, recommence.
Le mur s'est fissuré d'un rire. Libéré,
Mon propre pardon s'est rué sur moi guilleret.
L'écho cognant
Si belle, elle s'est assise face à moi

Et m'a dit : "Je tiens la main du mourant sans voix,
Je console infinie l'amoureux laissé,
Je réponds à l'écho cognant de l'angoissé.
Je berce, tu peux me dire tous tes effrois
Je saurai les garder pour la prochaine fois".
Je lui dis : "Mais qui es-tu" ?, charmée, empressée.
"Je suis la solitude qui vient t'enlacer".
Pupille au printemps
Je cherche l'arbre lointain, pupille au printemps,

Sa force sans fièvre apaisée par le Temps.
Tronc, écorce, s'auréolent toujours agiles
De feuilles en souplesse, prometteuses, fragiles.
L'indifférence pour la hache s'excitant,
Ce Sage a tout vu, il recommence habile.
Perturbée sans raison, me voyant palpitant,
La feuille choit, me caresse indélébile.
En pleine Méditerranée
Elle rôde en pleine Méditerranée,

Issue du désert et des neiges effrénées.
La froideur la sculpte diaphane de passion,
La chaleur la fait fondre vite en réaction.
"Viens, tu es nôtre", chante une voix déchaînée.
Le Nord vole son bras, le Sud sa jambe, scission
De l'âme de nulle part dénotant gênée.
Etrange, elle est démembrée sur l'embarcation.
J'ai cherché Dieu
J'ai cherché Dieu derrière une pierre

Dure sans bouger malgré mes prières.
J'ai cherché Dieu dans le creux d'une rose
Gorgée au matin, chair d'apothéose.
L'âme dépassant le maître des choses
A arraché la beauté, meurtrière,
Mené l'enfer banni à la lumière.
Le paradis rit de l'épine, ose.
La sirène en pierre
On dit que tu effaces, noies, même l'amer,

Chante la Patiente au Temps assujettie
A ceux aimés, morts, qui l'ont lentement bâtie.
Elle est sirène en pierre usée par la mer.
Tant de morts lui grignotent le bras bien petit,
Elle les tenait, folle, mais ils sont partis
Lui fissurant l'écaille, la jetant à terre.
Elle apprend à marcher, boiteuse, solitaire.
Fleur en tête
Ainsi tu es prisonnier d'autrui, il t'arrête,

Toi pauvre poète charmeur, le mal en tête.
Tu offres tellement d'indécents dégorgements
Pour un soupir esclave, un sourire aimant.
La vie serait cimes, abysses sublimant
Le noir au reflet doré, l'étrange épithète.
Pour un bravo, tu te perds, t'enroules, rimant
Sans fin. Ta fleur en tête, bossue, les inquiète.
Je serai cet enfant
Même dans les grottes sans vent battant

Le Temps s'engouffre partout, je l'attends.
Sur mes pleurs, son éclat a tressailli,
Il scintille sur mon chagrin pétri.
Il flambe vite, j'ai saisi l'instant.
Il dit : "J'obscurcis les peines vieillies,
J'oublie, délaisse les naïfs en vie".
Moi, je serai cet enfant hors du Temps.
Les porcs sont légion
Chaque famille abrite son porc,

Penaud du pire, l'oeil voit au travers
De la robe des jeunes fleurs en vert.
Il revient, sue, le vice par les pores.
Sa main à fauché d'un sale revers.
On tait l'ordure, c'est l'enclos des torts.
Une fleur nous dit, elle s'évapore :
"Ne m'enterrez pas prés du pervers".