Une flèche d'excès
Elle a tant de souvenirs empressés

De sortir que sa tête s'est penchée.
Voici venir le combat de l'archer,
Il lui tire les flèches du passé.
Elles ont le lent poison. Le mal coincé
Transpire, sort de l'âme ébréchée.
Elles ont le miel. Le parfum relâché
Tue l'archer d'une flèche d'excès.
Il y a un souffle
Il y a un un souffle dans ta tristesse tant

Sentie. Tu expires, décoiffes la douleur,
Tu inspires l'élan qui rhabille latent.
Les guerres se dénouent, sont bercées par les pleurs.
La brise insuffle ton réveil apportant
Le renouveau aux grandes façons, il t'attend,
Il dialogue même avec sanglots, crève-cœur.
Tu t'attristes, il pleure encore ton cœur.
Les vestiges de la folie
Il a fendu les vestiges de la folie.

Son armure se tord, fatiguée de haïr.
Bavard dessous, il adore, enseveli
De senteurs. La joie l'étouffe, vient l'envahir.
Vif, il se repose paresseux dans le lit
De ses chimères inassouvies, son désir
En apesanteur sur les fleurs. Il court saisir
Cette effusion naïve. Suave délit.
La vie, cette inconnue
Le feu apeure ta conscience, te soumet,

Tu fuis vers l'air, l'idéal flottant, sublimé.
Ta terre est un coin de hasard sec, démuni,
L'eau est marée débordant ta peine frémie.
Chaque bateau tousse, t'annonce l'ennemi,
Il coule tes rêves écourtés, arrimés.
Tu vois ta mort dans ton sourd reflet enfermé,
Tu as peur de la vie, cette inconnue, l'ami.
La muraille des regrets
Au pied de la muraille des regrets, l'orée

Nouvelle était masquée par le marbre immense.
L'erreur sans pleurs gisait dans ce dur couperet,
Il sciait mes pas torturés par la sentence.
J'ai parlé aux pierres, au cocasse silence,
De mon cœur simple qui fonce, meurt, recommence.
Le mur s'est fissuré d'un rire. Libéré,
Mon propre pardon s'est rué sur moi guilleret.
L'écho cognant
Si belle, elle s'est assise face à moi

Et m'a dit : "Je tiens la main du mourant sans voix,
Je console infinie l'amoureux laissé,
Je réponds à l'écho cognant de l'angoissé.
Je berce, tu peux me dire tous tes effrois
Je saurai les garder pour la prochaine fois".
Je lui dis : "Mais qui es-tu" ?, charmée, empressée.
"Je suis la solitude qui vient t'enlacer".
Pupille au printemps
Je cherche l'arbre lointain, pupille au printemps,

Sa force sans fièvre apaisée par le Temps.
Tronc, écorce, s'auréolent toujours agiles
De feuilles en souplesse, prometteuses, fragiles.
L'indifférence pour la hache s'excitant,
Ce Sage a tout vu, il recommence habile.
Perturbée sans raison, me voyant palpitant,
La feuille choit, me caresse indélébile.
En pleine Méditerranée
Elle rôde en pleine Méditerranée,

Issue du désert et des neiges effrénées.
La froideur la sculpte diaphane de passion,
La chaleur la fait fondre vite en réaction.
"Viens, tu es nôtre", chante une voix déchaînée.
Le Nord vole son bras, le Sud sa jambe, scission
De l'âme de nulle part dénotant gênée.
Etrange, elle est démembrée sur l'embarcation.
J'ai cherché Dieu
J'ai cherché Dieu derrière une pierre

Dure sans bouger malgré mes prières.
J'ai cherché Dieu dans le creux d'une rose
Gorgée au matin, chair d'apothéose.
L'âme dépassant le maître des choses
A arraché la beauté, meurtrière,
Mené l'enfer banni à la lumière.
Le paradis rit de l'épine, ose.
La sirène en pierre
On dit que tu effaces, noies, même l'amer,

Chante la Patiente au Temps assujettie
A ceux aimés, morts, qui l'ont lentement bâtie.
Elle est sirène en pierre usée par la mer.
Tant de morts lui grignotent le bras bien petit,
Elle les tenait, folle, mais ils sont partis
Lui fissurant l'écaille, la jetant à terre.
Elle apprend à marcher, boiteuse, solitaire.