Les années tendres
Ne pas aimer. Adorer. Ma belle aubaine.
L'enfer c'est l'idéal, gouffre noir fertile,
Le paradis c'est s'y perdre. Ainsi soit-il.
L'esprit bat, irrigue, va, revient dans la veine.
Il trouve le bourreau, l'adoration morbide,
Même les anges bien nourris restent avides
Tout cramer. Puis marcher tiède dans la cendre.
Et vivre sans hâte, charmer les années tendres
Je viens pleurer la chute de l'idole
J'ai tourné, pris des décennies pour arriver,
Cloches rdeturnées, murs contournés, pour trouver,
Le Puits aux remous bruts, tournoyants d'origine,
Car c'est dans le sens séduisant qu'on imagine.
C'était l'envoûtante, liante, farandole,
Le veux trésor, l'histoire scellée, mal contée,
L'évidence sous un ciel partiel colportée,
Naïve, je viens pleurer la chute de l'idole
Le destin plâtré, l'instant masqué, qui s'immisce,
Je hisse le menhir creux sur ton précipice.
Le pousser sans haine, ma dernière corvée,
Mon esprit a tant sué. Je viens me laver.
La nature ne crée pas le carré
Celui-la pense qu'il sème mais il enterre,
Ses mains tamisent gantées, propres dans la terre,
Mais au loin quelque chose se meut, lui échappe.
Il lorgne. D'ailleurs, quelqu'un de sauvage s'échappe.
Pourtant, la nature ne crée pas le carré,
La poupée maudite trône sur l'étagère,
Dehors, la trop forte lueur est étrangère,
Sa maison est plomb qu'un cheval meurt à tirer.
Au jardin, l'epouvantail a l'habit figé,
Il a les traits du sec, solide préjugé.
La glaise fond à l'aise, les cases honorent
Son tombeau prêt. Celui de ses fantasmes morts.
Ce miroir malheureux
Droit, tout glissait sur lui sauf son seul essentiel,
Le Temps où on adore plus grand que le ciel,
Où on prend de notre petit haut l'infini,
Les mensonges encore charmante manie.
Il méritait le bel habit mémoriel, la rime,
Pas le lent alambic, la charade qui mime,
Brillants, contorsionnés sous la frêle lanterne,
Devant ce Miroir malheureux qui reste terne.
Toucher sans salir, les chiffons de soie polissent.
On a pris l'eau dormante dans le calice.
L'un s'est crevé les yeux pris dans sa cécité.
L'illusion tue. Nu, voir la simple vérité.
L'égout aux reflets dorés
Fuir la terreur de nulle part et courir trop vite. La chaussée ravie ouvre sa bouche goulue. La chute brute est sans plâtre, mais on vêtit la pensée d'un bonnet, d'un pansement. Et pénétrer l'égout aux reflets dorés, calfeutré On pend morale, scandale à un clou. Lisses en façade, ils agonisent, ils finiront bien par crever. Et fantasmer sa folie dans le'coin aux miroirs, celle-la n'a besoin que de toi. Couler d'un crachat à l'oeil l'ennui décroché, médusé. Il ne finira pas comme Narcisse.
La barque à la graisse d'éther glisse tranquille dans le tunnel. Dévisager la déesse décomposée qui pleure sa raide créature, un boa chic autour du cou. Elle entame sa dernière mue. Ramasser la belle qui traîne dans le caniveau. Elle croyait y trouver un mari. Ça parle seul, on est son meilleur public. L'un dort dans les bras d'une statue moisie. Vivre l'a fatigué. L'autre cherche en regardant ses pieds. On reviendra le voir quand il aura trouvé. Un poète s'est pendu au lampadaire allumé. C'était écrit. On lui remet son chapeau tombé. C'est l'honneur, il est bien tombé. Un escroc donne ses coupures. Il pense blanchir son âme. On va l'aider. Un gentil se prend pour fils de dieu. Il a peur d'être méchant. Sacré fils à maman.
Est-ce charité aux morts, hospice aux vivants ? Ça doit être asile de fous. Cette parenthèse tinte pathétique, ces deux couvercles enferment debout. Ils racontent une histoire close. A la nuit tombée, fait-on de bonnes rencontres ? Cet endroit à l'abri des autres, des conformes ne connait pas le jugement.
Dis-moi, le Temps avance, vagabonde ?
Dis-moi, qu'aurais-tu pensé de ce monde,
Toi qui n'est maintenant plus de ce monde,
Tu n'as pas changé, toi qui n'a plus d'âge,
Chaufons nos veines par un lent breuvage.
Dis-moi, le Temps avance, vagabonde ?
Nous nous tournions entraînés dans sa ronde,
Le précepte d'hier, présent présage.
Tu lui ressembles. Le même visage.
Sorcière à la beauté fière
La vieille fille est jolie,
Sorcière à la beauté fière,
Ils'l'ont perchee, oiseau de fer,
Girouette des peurs, folies.
Cheveux longs, allure altière,
Chignon trop mignon qu'ils délient,
Ils cherchent des poux, des délits.
La horde la renifle grossière.
Femme sans poux, ils la cueillerent
A vif, projetant leurs pleurs pâlis.
Las, s'embrasant près de son lit,
Volant ses nuits, âcre lumière.
Pourtant Narcisse était solitaire
Pourtant Narcisse était solitaire,
Devant son miroir d'eau, il se plaisait.
Les autres, vide crochu, prédisaient
Le monde trop plein des cris délétères.
Tu es si beau, laid, idiot ou rusé,
La horde se gave, repue du parterre
De harpies croupies, accroupies, brisées,
Derrière leur vitre, ça déblatére.
Image où il pose son baiser.
Ils l'aimeront, statue d'un jour prisée,
Devenue simple caillou qu'ils jetèrent
Au loin. Narcisse était solitaire
Vivants après toi
C'est écrit dans les cieux, ont dit
Les étoiles. Lève les yeux, lis.
Je ne vois pas, ça m'eblouit,
Je ne peux pas, ça m'engourdit.
Je ne veux pas des paradis
Ou enfers fermés qui convient
Au festin sans faim, dur, rassi,
Suis tendre pierre impolie.
J'ai fui le destin d'or durci,
Libre, ivre de tout, j'ai choisi.
Vivants après toi, infinis,
Vois les astres qui t'ont choisi.
Ici, on se tait
Ici, on se tait, tout est calfeutré,
Venez avec vos erreurs de grand dadais,
Mais s'il vous plaît, ne venez pas fardés,
Laissez loups, chapeaux raides à l'entrée.
L'orgueil meurt, la mémoire débridée,
Elle va dans tous recoins, éventrée,
Explosant, peignant sur les murs d'un trait.
Ils courent vains, leur passé succédait.
C'est labyrinthe aux vielles idées,
Fantômes fissurés le teint fardé,
Humain, on ne resort que par l'entrée.
Prenez l'enfant, la canne peut céder.