L'esprit imparfait
Le jour aigu, grandissant, fait
La nuit couvant sensible, nid
Des âmes lourdes sous l'effet
Du triste, du joyeux unis.
Aux cieux légers, régnant parfaits,
Prendre un éclat d'infini,
Il luit sur l'esprit imparfait,
Voleur des grandes harmonies.
Jugé extraordinaire
Ils gueulent « disgrâce » blâmant
De leur fébrile jugement,
"Pierre qui écrase" pour sentence,
L'esprit dressé, malin, tance.
Le choc s'excite en eux, dément,
La pierre saigne gravement.
Gênés, ils nettoient l'existence,
Volent l'ultime prestance.
Le peintre sans imaginaire
Le peintre sans imaginaire,
Le cadre rassure précieux,
Fui des muses nimbées, lunaires,
L'œil, le trait bavent fallacieux.
Les muses, libérées des cieux,
L'ont peint rigide, sanguinaires,
Pendu à un vif luminaire,
Le beau vengeur, noir, délicieux.
Le calice doré
Le calice doré attend
La fleur reine apprivoisée,
Pour prendre, dérober au temps
L'élan qui viendra reposer.
Le destin avorté, autant
De sursauts fanés, envasés,
Le fond mort gît, reflétant
Un or froid jamais apaisé.
Un creux d'infini
La rosée, fragile éternelle,
Un creux d'infini qui flottait,
Prisme empourprant passionnel
Tous les pleurs déteints projetés.
Le puits en or veut la goûter,
Le dôme sûr croit la porter,
L'aurore veille solennelle
Sa mort sur la courbe charnelle.
La statue finie
Les mots prononcés empalés
Sur la livide incidence,
La statue finie avalait
Mortifère le sens trop dense.
Seule en pierre d'évidence,
De ses points suturés coulait
Un écho en sang. Il parlait
De ses mots vivants, en cadence.
La fleur intouchable
L'art étreint la vie, embellit,
Frisson de l'âme illuminée,
Guidant les pas nus malmenés,
Verger interdit qu'ils rallient.
La fleur intouchable, sans lit,
Charme les cieux, les dieux aînés.
Pétales dévorant jolis
Les démons perdus fascinés.
Le poète nu
La pensée s'est déshabillée,
La magie enfouie lui seyait,
Une clef de tout emmenait
Au chaos sans plafond, damné.
L'inconscient roi émerveillé,
Revint son esprit couronné.
La raison libre, tous croyaient
Le poète nu, les mots innés.
Malaise des gens
Sans porte. Malaise des gens,
Ces creux envieux trop vieux, pervers,
Leur vie à leur côté sous verre,
Demi-sphère au temps neigeant.
On s'agite, voulant le vert,
Les regrets, infini hiver,
Des cœurs passés indigents.
L'enfant fuit, sautant, pataugeant.
La muse nue
Statue délivrée, Temps défait,
Le sculpteur frustré, imparfait,
Mais la muse nue s'apprêtait,
Et l'esprit surpris s'exaltait.
La beauté d'un hasard a fait,
Le destin rougi plein d'effet,
Pour l'amoureuse liberté,
Troublée, frôlant l'éternité.