Toi l'aveugle, je vais te raconter
Toi l'aveugle, je vais te raconter,
La trace de ma plume pour passion,
Mots que la poétesse a tricotés,
L'ombrelle des lettres pour partition.
Les fous, leur étrange imagination,
La vie, sa curieuse simplicité,
Dieu, vaincu par ma rationalité,
Et le miroir sans cesse tentation.
Impudique dans ma désolation,
Si maudite dans mes lamentations,
Mes mots m'ont portée, en bleu j'ai conté
La grâce d'une étoile qui chantait.
La magie des phrases m'a transportée,
Sur ma sphère j'étais exaltation,
Libre, j'approchais le ciel argenté,
Toi qui ne peut voir les constellations.
L'aveugle me dit pour seule conclusion,
"Moi le sans yeux, je t'ai bien écoutée,
J'ai senti une belle éclosion,
Oui, le regard de l'Autre t'a quittée".
La fragile graine
La fragile graine que j'ai plantée,
Mes larmes l'ont arrosée chaque année,
Et un jour un végétal était né,
Ravie, dans son pot je l'ai emporté.
Une matinée, je l'ai abandonné
Dans la terre nourrie par la clarté,
Tu vas grandir, vivre ta destinée,
Tes feuilles chanteront les soirs d'été.
Les temps de solitude, j'ai été
Voir ma plante devenue majesté,
C'était un arbre qui me couronnait,
Il m'ouvrait les bras en fleurs, lui l’aîné.
Je suis venue à la maturité
Me coucher sous l'arbre, je fredonnais,
Je pensais aux choix de vie dessinés,
Sur l'écorce j'ai écrit «liberté».
Le lampadaire
Dans un appartement choisi comme repère,
D'un être en fuite cherchant son sens, ses repères,
Seule, je restais éblouie par le lampadaire,
Ma lune, mon soleil dans cette cité dortoir.
Oubli des pensées, affalée près du bougeoir,
Qui éclairait ma psyché bien noire ce soir.
Comme compagnie, je regardais le miroir,
Etait-ce mon corps vivant que je voulais voir ?
Je n'y vis que la lumière de mes déboires
Avec mon esprit fuyant dans l'imaginaire.
Je pensais aux amours dépassées, leurs travers,
Le conscient, l'inconscient, leurs tortueux mystères.
D'un coup ! Dans l'opaque silence, le tonnerre
Eclata le lampadaire. Cernée de verre
Et d'ombres, la panique et l'horreur arrivèrent,
Juste un halo rouge sang menant au couloir
De la mort pour les âmes perdues, délétères.
Idées et délire s’illuminaient tel l'éclair
Quand petite culotte, je valsais légère
Devant mon voyeur et obsédant partenaire.
J'étais femme dans un polar craignant le pervers,
On me trouverait poignardée dans la baignoire,
Ou étranglée, gisant, sur le lit en peignoir,
Découvrir mon cadavre dans le frigidaire,
Visage blanc, de glace, parti dans l’éther.
Avec un lourd poids je me noyais sans nageoires,
Ma raison figée, j'étouffais, pas un brin d'air
Pour balayer la pire peur des solitaires,
Sensibles au temps qui galope, à la vie passagère,
Sans foi, se rêvant rois, voguant la mort dans l'air.