Le deuil exalté
_ "Je ne peux voir l'impudeur de tes pleurs,
Ravale ton dégoulinant malheur,
Ce deuil exalté des morts m'indispose,
Ils sont partis, c'est propre,, ils reposent.
Ton rite est baroque, il apause,
Les cris affolés, les riches couleurs
À l'encens. Les lourdes senteurs supposent
La mort jamais finie, là, créant l'heure".
_ "Ta marmite sans goût clot la chaleur,
Couvercle tremblant, suantes paleurs.
Mon charbon brûle, saigne et s'expose,
Ça tord les boyaux puis enfin repose".
La voix de secret
La voilà tombée dans la grotte, lasse,
Sa voix née des secrets se faisait basse,
Le silence s'ennuyait, approuvait,
Loin des bruits grossiers, ils se sont trouvés.
Amochės, bruts, mais leur mal a la grâce,
Ce chagrin cousu en cave ressasse
Sans mots la grosse chose éprouvée,
Celle immense de l'âme crevée.
L'obscur ne voit pas, ressent, cadenasse
Cette lumière trop vraie, trop vorace.
Un voile couve le broc. On avait
Rempli de vieux pleurs les bocaux sauvés.
Brave cruche
À la femme, ils boivent la pensée,
Les grandes cravates aux bouts rapiécés,
Laissons-lui les pots, les fleurs hardies,
Le tendre jardin épanouit, on dit.
On la vidait, elle se remplissait,
Brave cruche aux formes arrondies,
Un goût d'enfer, souffre et paradis,
Rangeons-la, elle pourrait offenser.
Les femmes savent-elles bien penser ?
Je ne pense pas, dit un érudit,
Cris et pleurs, j'ai peur, croit le rabaissé.
Puis dit tout bas, c'est quand même maudit.
Le puits éternel
Assoiffé, il se traîne vers le donneur d'eau,
Cet homme brave près de son puits éternel.
_ "Je te donne tout", crie-t-il, riche, l'or sur son dos,
Il se faufile, freiné par la sentinelle.
_ "Arrogant ! Le champagne porte ton radeau" !
_ "Je veux l'eau, à toi les diamants éternels".
_ "J'ai les étoiles, ces joyaux sur ma tonnelle,
Ton or est mort, croque-le, il est ton fardeau".
"Vois le pauvre, l'humilité fraternelle,
Terre, bras perdus pour vos ors, gagnant une aile,
Il sait le manque charnel pour un verre d'eau,
Qu'en toi, tinte une sournoise goutte d'eau".